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La Cantate de Bisesero    

Extraits de presse :


 
 

 

La Cantate de Bisesero    

Extraits de presse :


Marie-José Sirach, in L'Humanité, le 14/10/2013

Une Cantate pour le Rwanda

[...] La Cantate de Bisesero témoigne d'un travail têtu et acharné du collectif belge le Groupov et de son directeur artistique, Jacques Delcuvellerie, de convoquer les morts à table, de leur redonner la parole pour témoigner encore et encore. La force de ce triptyque, c'est ni d'accabler ni de culpabiliser le spectateur, mais de le sortir de sa torpeur, de l'amener à réfléchir sur la fabrique de l'histoire, le sens d'un tel événement depuis les origines, en l'occurrence celles de la colonisation, d'une « décolonisation » factice, d'interroger les enjeux politiques, économiques, le rôle de l'Église, la cécité consciente ou inconsciente des témoins impuissants à arrêter cette mécanique génocidaire. Comment un tel massacre a-t-il pu être perpétré au su et au vu de toutes les nations ? Avec quelles complicités ? Dans quels buts ? Le théâtre du Groupov, plus fondamentalement, dans un dispositif simple mais percutant – un chœur, un orchestre et deux chanteuses, sur une partition musicale lumineuse et apaisante de Garrett List – ne cesse de se/nous questionner : où en est-on de l'humanité ? Sans effets de quelque nature que ce soit, c'est un théâtre choc, un théâtre politique tout en tensions, une épure du geste et une économie des mots d'où jaillit la violence des massacres Lorsque s'éteignent les lumières, il règne dans la salle un silence avant que n'éclatent les applaudissements.

 

Geoffrey Nabavian, in Toute la culture, 05/10/2014

JACQUES DELCUVELLERIE : « UN PESSIMISTE EST UN OPTIMISTE BIEN INFORMÉ »

Depuis 1980, Jacques Delcuvellerie assure la direction artistique du Groupov, Centre expérimental de culture active, basé à Liège. A la fin des années 90, il entamait le projet Rwanda 94. En 2000, vers mars-avril, le spectacle fut créé dans son intégralité : 5h30, convoquant de nombreuses disciplines artistiques*. Ce samedi, les Francophonies projetaient le film complet du spectacle. Puis sa dernière partie, La Cantate de Bisesero, se jouait en live. Rencontre.


La totalité de Rwanda 94 est à présent créée, et le Dvd du spectacle est sorti il y a un an. Avez-vous prévu une date où ce spectacle arrêtera définitivement de tourner ? ou un événement, pour en marquer la fin ?
Jacques Delcuvellerie : Le spectacle, présenté en entier, impose de faire revenir beaucoup de personnes pour le jouer. Certains interprètes vivent au Rwanda. Nous l’avons présenté ainsi de 2000 à 2005. Nous avons alors décidé de l’enregistrer complètement. Puis de projeter, dans les théâtres, le film des quatre premières heures et demie, suivi de La Cantate de Bisesero, jouée pour de vrai. Tant que cette dernière nous sera demandée, nous viendrons la présenter. Car les génocides doivent être médités encore et encore, tant que, sur la Terre, toutes les vies n’ont pas le même poids.

Si l’intégralité du spectacle se jouait encore pour de vrai, aujourd’hui, y aurait-il des modifications au sein de la « litanie des questions » [voir note bas de page] ?
Jacques Delcuvellerie : Je ne pense pas. Car nous ne poursuivons pas au-delà de 1994. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas comment le Rwanda pourra politiquement évoluer, c’est pourquoi le génocide a eu lieu, pourquoi on l’a laissé faire, et qui en a été complice. Et nous essayons d’apporter des réponses.

Comment a été inventée l’héroïne de l’action dramatique, Madame Bee Bee Bee ?
Jacques Delcuvellerie : Elle représente le pouvoir médiatique. Et la société du spectacle. Et dans sa position, elle décide de faire quelque chose : produire des images utiles [elle veut réaliser un documentaire qui expliquerait les causes du génocide, et le fait qu’il n’y ait pas eu d’intervention]. D’où le sous-titre du spectacle [Une tentative de réparation envers les morts, à l'usage des vivants]. Va-t-elle pouvoir le faire ? Aujourd’hui, une prise de conscience est impossible sans les médias. Et une action concrète ne peut avoir lieu que s’il y a des images. D’autre part, le spectateur peut s’identifier à ce personnage. Car elle fait un chemin qui est le sien. Qui est également celui de ceux qui ont créé le spectacle. Elle cherche à se renseigner. Et elle ne se fait pas confiance : c’est pour cela qu’elle s’adjoint les services de Monsieur Jacob, ébéniste juif, survivant de la Shoah. Elle doit le convaincre de sa bonne foi.

Pour commencer, elle emmène Monsieur Jacob voir une conférence sur le Rwanda. Sur scène, cette conférence a lieu, pendant une heure. Et c’est vous, Jacques Delcuvellerie, qui l’animez. Quel était votre mot d’ordre pour jouer ce conférencier ?
Jacques Delcuvellerie : Nous avions un problème, car les gens ont, en général, très peu de connaissances exactes au sujet du Rwanda. Nous devions donc communiquer de l’information, dans un cadre théâtral. Nous avons essayé d’écrire un débat télévisé. Mais soit il ressemblait trop à un vrai débat – avec parole coupée, interventions minutées… – et au final, le spectateur n’acquérait aucune connaissance ; soit on mettait l’accent sur l’info, et ça n’avait plus l’air d’un débat télé. Nous avons fait des essais de bouts du spectacle, en écoutant les retours du public. Lors de ces sessions, je faisais la liaison entre les extraits. Les gens me remerciaient : « on comprend beaucoup mieux ». On a donc eu l’idée que je fasse une conférence d’une heure. Qui vient après 2h15, alors que les gens ont été émus, perturbés, et qu’ils ont maintenant envie de comprendre les causes.

Pourquoi, après 4h30, proposer La Cantate de Bisesero en conclusion ?
Jacques Delcuvellerie : Il s’agit d’une forme musicale épurée, qui traite de la résistance. Beaucoup, au Rwanda, ont été tués sans pouvoir se défendre. Sur les collines de Bisesero, les ethnies fonctionnaient encore ensemble. On a ensuite réussi à les diviser. C’est une sorte de monument dédié à ces morts qui avaient fait preuve d’intelligence.

Dans un entretien à Télérama, Fabrice Murgia, qui fut votre élève, dit que vous êtes « l’homme le plus pessimiste qu’il connaisse »…
Jacques Delcuvellerie : [rires] Un pessimiste est un optimiste bien informé… Je m’inquiète car je vois un écart, sur Terre, entre les problèmes, et les moyens employés pour les résoudre. Ou le niveau de volonté convoqué pour le faire. L’homme ne pense pas sur le long terme, il ne se bat pour le futur que de ses petits-enfants. Et pour le groupe auquel il appartient.

Au sein du Groupov, vous essayez de vous opposer à cette conception ?
Jacques Delcuvellerie : Selon les moments, nous nous sommes organisés de différentes façons. Il y a eu des crises aussi. Au fond, nous ne sommes pas très doués pour le collectif… Enfin, nous essayons de ne pas enfermer les participants dans un rôle, même s’il est utopique que tout le monde fasse tout…

Quelles sont les thématiques sur lesquelles vous vous penchez actuellement ?
Jacques Delcuvellerie : Marie-France Collard, mon épouse, qui travaille sur la structure dramaturgique de nos spectacles, tourne actuellement un film sur les sans-papiers atteints de maladies mortelles. Nous travaillons de façon active, également, à une pièce sur le conflit israélo-palestinien. Et le Groupe Nimis, avec lequel nous collaborons, travaille lui aussi sur les sans-papiers. Ils se trouvent actuellement à Lampedusa, où ils ont organisé un festival.

Propos recueillis par Geoffrey Nabavian.


* 5h30 découpées comme suit : le témoignage d’une survivante / un « chœur des morts » / une « litanie des questions », accompagnée de musique / une action dramatique, d’une durée de 2h45, mettant en scène une journaliste désirant réaliser un documentaire sur le génocide (avec, au milieu, une conférence théâtralisée d’une heure) / puis La Cantate de Bisesero.
Le coffret Dvd du spectacle Rwanda 94. Une tentative de réparation symbolique envers les morts, à l’usage des vivants est disponible à la vente.

 

Odile Quirot, in Le Nouvel Observateur, le 02/10/2014

Théâtre et compagnies

[...] Le belge Jacques Delcuvellerie est venu apposer, avec "La Cantate de Bisesero", une troisième partie à son terrible et sublime "Rwanda 94" qui sidéra Avignon et autres festivals plus connus que Limoges... [...]

 

Muriel Mingau, in Le Populaire du Centre, le 23/09/2014

En 2000, un spectacle choc, Rwanda 94, bouleversait le public des Francos. 20 ans après le génocide rwandais, le festival redonne sa 5ème partie La Cantate de Bisesero, ainsi que l’intégrale de la pièce du Groupov, dans sa version filmée.
Spectacle impressionnant de 6 heures, Rwanda 94 a marqué les cœurs, les esprits et l’histoire du théâtre par sa forme singulière, son propos documentaire et politique.