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Ouvrières du monde

Extraits de presse :


C’est à travers les parcours singuliers de Marie-Thérèse, Yanti, Rosa et les autres que Marie-France Collard nous fait voir une réalité collective : celle du monde ouvrier face à la mondialisation. […] Mêmes gestes répétitifs, même esclavage du corps et des nerfs sous la pression des cadences. […] Le film démonte un système de barbarie quotidienne, de manière à la fois sensible et rationnelle.

Françoise Thirionet, in Solidaire du 25/10/2000

 

« Ouvrières du monde » : la toile d’une grande enquête
[…] De ces chassés-croisés Nord-Sud, le légendaire « 501 » perd ses boutons. A la sauvette, pour contrecarrer le mondial refus de coopération de Levi Strauss, Marie-France Collard recueille autant d’images que de témoignages accablant
s.

Dominique Legrand, in Le Soir, 24/10/2000

 

L’incessant aller-retour de Marie-France Collard entre les deux hémisphères est rempli de chaleur et d’émotions. […] Si la réalisatrice s’attarde sur les visages et les ambiances, son film ne verse pas pour autant dans le sentimentalisme économique qui montre bien les absurdités de cet antagonisme entre le Nord et le Sud dont personne ne sort gagnant. Si ce n’est peut-être Levi’s.

R.C. In La Libre Belgique des 21&22/10/2000

 

Alors que la mondialisation abolit les frontières géographiques dans un but de compétitivité et au détriment de la plus simple justice sociale, la réalisatrice abolit ces mêmes frontières, dans un but de solidarité sociale. A la sentence simpliste qui consiste à rejeter la faute sur l’autre, Marie-France Collard répond en réaffirmant la solidarité des petits contre les grands.

In L’Inédit, semaine du 8 au 12 octobre 2000

 

Filmant la fin des usines européennes de Levi’s, Marie-France Collard brosse des portraits de femmes, ouvrières textile, à l’heure de la mondialisation. A la déliquescence du Nord répond l’écho de l’exploitation du Sud.

 

Rachel Crivellaro In La Libre Entreprise, 07/10/2000

 

 

Un film dédié à la condition ouvrière féminine, sur fond de mondialisation et de témoignages dénonçant une organisation du travail souvent inhumaine. En France, Belgique, après une vingtaine d'années, Rosa et Marie-Thérèse vivent leurs derniers mois dans les usines Levi's. En Turquie, des femmes nous parlent anonymement de leurs terribles conditions de travail ,en même compagnie. En Indonésie, la vie quotidienne de Yanti se déroule en 14h de labeur. Les ouvrières du monde, depuis les petits ateliers d'Istanbul où l'embauche des enfants est fréquente,  jusqu' à la zone franche d'exportation aux Philippines et sa massive concentration de main d’œuvre non-qualifiée.                

 

 

TRAVAIL/PEOPLE/PORTRAITS/SOCIETE

 

 

Propos recueillis par Léon Michaux pour le quotidien Le Matin du 01/10/2000

 

Entretien avec la réalisatrice :
Avec Maîtresses, vous étiez dans la sphère intime, ici, vous êtes à la fois dans la sphère intime et collective. Qu’est-ce qui vous a amenée à ce glissement ?

 

Cette évolution me semble normale : on ne peut interroger le monde d’aujourd’hui indéfiniment à partir de la sphère intime, cela relèverait d’une forme d’autisme, voire d’indécence. Le travail que j’entreprends parallèlement au sein du Groupov, entre autres avec la création Rwanda 94, relève des mêmes  préoccupations. Interroger à la fois le collectif et l’intime crée une tension intéressante : de là surgissent des contradictions, des questions qui permettent de resituer l’individu comme être social, ce qu’il est avant tout. Et puis, l’intime se structure à partir du collectif, il est même souvent broyé par lui : la plupart des gens passent la plus grande partie de leur vie devant des machines au travail, pour tout juste gagner de quoi s’abriter et se payer quelques objets… Ce glissement n’est pas sans rapport, pour moi, avec l’approche sensible des pays du Tiers Monde, la découverte de leur réalité, de la misère dans laquelle ils sont englués jusqu’au cou alors qu’ils dépendent, comme nous, d’une économie qui depuis longtemps se décline à l’échelle planétaire. Et, dans ce système, ici, nous vivons relativement bien parce que, là-bas ils vivent effroyablement mal…

 

Pourquoi le choix de Levi’s, parce que le jean et le 501 en particulier est un symbole universel ?

 

Non, pas directement, même si je ne peux pas nier que la symbolique très « sixties » liée au jean participe inévitablement à ce choix. Au départ de l’enquête, je me suis orientée vers des grandes marques de la confection connues mondialement, comme Levi’s ou Benetton, parce qu’elles avaient des unités de production dans les pays du Nord, qu’elles ne fonctionnaient pas uniquement comme beaucoup d’autres labels – comme Nike par exemple – en gardant le design et le marketing dans les pays du Nord et en sous-traitant la fabrication dans les pays à bas salaires. A l’annonce des propositions de fermeture par Levi Strauss Europe, de 4 sites, 3 en Belgique et un en France, en septembre 98, j’ai embrayé directement en termes de tournage. C’était symptomatique de la situation de l’emploi dans nos régions et c’était peu après Renault Vilvoorde : une entreprise multinationale fermait des usines dans deux pays européens simultanément.

 

Ce film est marqué par la peur : peur de perdre son emploi, peur de témoigner, peur de la surveillance, peur de la direction, votre moyen de rendre compte de cette peur, était-il de montrer les difficultés du film en train de se faire ?

 

Oui, c’est un peu ça. J’ai été moi-même très surprise de l’omniprésence de cette peur. Nous vivons donc une époque où parler de son travail n’est plus une chose permise et où il est interdit de filmer dans des usines, sous prétexte de secret industriel… La peur de témoigner était aussi perceptible en Belgique et en France, pendant le conflit social. Ce n’est pas pour rien que celles qui ont accepté d’être filmées étaient aussi déléguées syndicales. Intégrer ces données à l’écriture du film permet de montrer que les personnes qui apparaissent à visage découvert prennent un risque pour le futur et qu’elles l’assument avec courage. Ce risque n’est pas le même dans les pays comme la Turquie et l’Indonésie : là, il n’y a pas seulement la peur de perdre son emploi, il y a aussi la peur de l’emprisonnement ou de la répression physique, ces risques sont bien réels et les peurs sont pleinement justifiées.

 

On est très frappé par le contraste Nord-Sud, notamment lorsque vous montrez aux ouvrières indonésiennes des images des travailleuses française, ce sont 2 mondes qui peuvent se comprendre ?

 

L’incompréhension ne vient-elle pas de l’ignorance ? N’assiste-t-on pas à une recherche de boucs émissaires qui oppose de manière un peu simpliste le Nord et le Sud ? Au moment où on a tourné cette scène avec les ouvrières indonésiennes, on s’est rendu compte qu’elles ne connaissaient absolument rien des conditions de travail chez nous, qu’elles ingoraient tout de l’histoire du mouvement ouvrier mais qu’elles en avaient une grande curiosité. Finalement, ce qu’elles connaissaient de nous, elles le connaissaient à travers les programmes télé américains et les quelques touristes qu’elles avaient pu croiser…D’autre part, il est intéressant de noter qu’en terme de confection et d’habillement, par exemple, plus de 70% des importations de l’union européenne sont encore infra-européennes. Les délocalisations visent d’autres buts que celui de la recherche des bas salaires, même si ce facteur intervient, les firmes transnationales sont aussi à la recherche de nouveaux marchés… Ce n’est pas dans l’affrontement Nord-Sud qu’il faut chercher les causes des pertes d’emploi dans le Nord, mais bien dans la concurrence sans merci que se livrent les grandes firmes transnationales. Et cette concurrence effrénée n’a pas pour objectif la satisfaction des besoins des êtres humains ou leur épanouissement individuel, bien au contraire.

 

Votre film n’est-il pas en définitive un plaidoyer pour des syndicats libres et combatifs ?

 

C’est en tout cas un constat, le constat d’une inadéquation des réponses apportées par les structures syndicales actuelles à l’internationalisation de l’économie : la solidarité internationale entre les travailleurs – même d’une même entreprise multinationale – n’en est même pas à ses premiers balbutiements ! Et au niveau national, les structures syndicales ne semblent plus réfléchir en termes de contre-pouvoir visant une forme de société, elles sont beaucoup trop souvent dans la co-gestion et acceptent alors que la logique patronale soit la seule possible… A partir de ce constat, à chacun de tirer ses propres conclusions… C’est pour cela que je trouve important que le film, outre ses diffusions télévisuelles, soit utilisé comme support de débat, entre autres dans les structures syndicales, féminines, dans les écoles…

 

Quand l’usine française ferme, les ouvrières pleurent, elles disent « mon usine » avec tendresse et nostalgie, comment expliquer cet attachement à sa propre exploitation ?

 

On est toujours un peu complice de sa propre oppression. Tout d’abord on y trouve son propre intérêt… Un bon salaire, c’était le cas chez Levi’s ; un moyen de sortir de la maison, et pour les femmes, cela a été important, un premier pas vers l’intégration sociale… Et comment imaginer qu’un ouvrier, qu’une ouvrière, qui n’est pas encore un robot, et qui travaille depuis 15 ou 20 ans dans une même entreprise ne s’y investisse pas affectivement ? Les entreprises ne s’y sont pas trompées, du moins celles qui ont développé « une culture d’entreprise » jouant sur cette subjectivité dans leur propre intérêt. Et Levis’s en est un bon exemple : c’est une « grande famille », tout le monde « participe aux décisions du balayeur au directeur » etc.…

 

Lorsqu’une multinationale ferme une usine en Europe pour la transférer dans un pays à la main d’œuvre surexploitée, ne pourrait-on dire que le malheur des uns fait le bonheur des autres ?

 

Les conséquences de la mondialisation de l’économie sont sans conteste catastrophiques sur le plan humain, tant au Nord qu’au Sud. Et tant que les décisions des grands groupes économiques se prendront au seul nom de la maximalisation des profits, en ne servant que les intérêt de quelques-uns, cela sera comme ça… Pourtant les chiffres sont là, ceux qui nous disent que cela pourrait être différent et que par exemple, il suffirait de prélever moins de 4% de la richesse cumulée des 225 plus grandes fortunes pour répondre aux besoins élémentaires en eau potable, nourriture, éducation, santé, de toute la planète…

 

Les hommes sont-ils mieux lotis, la femme subit-elle une double exploitation ?

 

 Non, les hommes ne sont pas beaucoup mieux lotis, mais il existe toujours une exploitation particulière des femmes. Il y a bien sûr cette double journée de travail. Des chiffres récents indiquent que chez nous, les femmes, en 20 ans, depuis toutes les revendications féministes de partage des tâches, ont gagné, sur leur journée, en tout et pour tout un petit quart d’heure ! A travail égal, les salaires des femmes restent, pour une grande majorité, inférieurs à ceux des hommes. Les femmes sont les premières victimes de la mondialisation de l’économie, elles sont 70% parmi les plus pauvres ; les conditions de travail plus dures, dignes d’un esclavage moderne, celles des zones franches d’exportation, leur sont réservées, du moins pour les jeunes femmes de 18 à 25 ans, qui représentent 80% de la main d’œuvre de ces zones franches…

 

Vous avez eu des difficultés à trouver des partenaires pour monter une production aussi offensive ?

 

A vrai dire non. Bien sûr, je ne me suis pas adressée au privé, à TF1 par exemple, mais aux télévisions de service public ou à des organismes institutionnels nationaux ou européens de subventionnement culturel. Cela correspond encore à leur mission d’accepter de tels projets ! Il me paraît donc essentiel de défendre, dans le monde des médias et des communications, une vraie télévision de service public, pour que de tels films restent accessibles.