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Il ne voulait pas dire qu'il voulait le savoir malgré tout


1983 création en 2 phases : mai et octobre 83 à l'Ensemble Théâtral Mobile - ETM - Bruxelles



 

"... Le Groupov a pour le théâtre un amour fou car seul un amour fou peut rendre compte d'un deuil aussi difficile à faire. Le Groupov, en effet, met en scène la mort du vieux théâtre et, contradictoirement, l'impossibilité où celui-ci se trouve de vraiment mourir. Aussi, au fil de la représentation, on fait encore des gestes, on dit encore des mots, quelques gestes et quelques mots arrachés à l'oubli, que l'on exhibe comme les vestiges d'un imaginaire théâtral révolu. On esquisse un pas de danse, petit fragment timide d'une réjouissance perdue, on risque quelques bribes de conversation, comme au théâtre, on appelle les maîtres à la rescousse, mais les maîtres ne sont plus ce qu'ils étaient et tous les personnages de la pièce - le vieux style ! - n'ont pas la même conviction à chanter un chant brechtien pur et dur. Là où l'un chante à pleine voix comme pour s'illusionner encore, l'autre fait sentir la difficulté du chant - de ce chant-là, de cet auteur-là, sur son être.

 

Quelques gestes donc, même dérisoires s'il le faut. Comme cette fin de spectacle où tous viendront saluer, citation émouvante de la joie d'avant quand le théâtre avait belle prestance et portait beau ; comme cette intervention de celui qu'on appelerait le metteur en scène, montant sur le plateau pour effectuer un entrechat triste ou pour, de sa chaise au milieu des spectateurs, lancer quelques clameurs. Parodie de maîtrise, simulacre d'implication, rappel histrionique d'une autorité : la montagne accouche d'une souris...

 

Pendant soixante minutes, on commence, on s'arrête, on se lance, on assume et puis... et puis, et puis les bras tombent, les corps s'alourdissent, le silence se fait, le vide s'installe, la gêne pointe : moment poignant comme le souvenir douloureux de la perte d'amour, la même envie et la même vacuité, une force identique et une impuissance pareille. Lorsque le feu menace de s'éteindre mais que la braise est vivante encore, comment s'y prendre pour trouver le souffle qui la vivifiera ?"

 

Jean-Marie PIEMME

18/08/1983